"Eli, Eli"
Auteur : W. L. Tochman - Editions Noir sur Blanc - 153 pages - 18 €
Synopsis : Nous sommes aux Philippines, dans les bidonvilles de Manille, parmi les plus pauvres, ou chacun semble crier : « Eli, Eli, lama sabachthani ? (Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as tu abandonne ?) »
W. L. Tochman, un des chefs de file de l’écolé polonaise du reportage littéraire, interroge notre façon de nous tenir devant la douleur des autres (Susan Sontag). S’il se penche sur les habitants et leur misère, il refuse d’être un de ces « purs regards » auxquels personne ne croit plus. Sans cesse, il nous montre celui qui regarde – qu’il soit touriste ou reporter –, il interroge sa place, son éthique et son utilité.
Bien entendu, Tochman élargit son cadrage quand il veut éclairer les ressorts d’une oppression économique : néocolonialisme américain, tourisme sexuel, poids de l’Eglise, corruption... mais c’est surtout la responsabilité individuelle –à commencer par la sienne, comme homme et comme écrivain – qu’il entend exposer.
Une femme que sa maladie de peau fait ressembler a un monceau de grains de raisin, un gamin qui habite un tombeau (dans un cimetière où tous les tombeaux sont habités), un caïd maigre et tatoué, qui a pour un instant troqué sa lame contre un biberon... À mesure que se constitue cette galerie de portraits inoubliables, le reporter vérifie qu’on ne saurait rencontrer quiconque sans se lier, sans s’impliquer dans une histoire, entre compassion, désarroi et espérance têtue.
Je remercie les Editions "Noir sur Blanc" ainsi que la plateforme Babelio pour ce service presse dans le cadre de l'opération masse critique.
J'ai perçu cet ouvrage comme difficile et pourtant si réaliste de la situation des Philippines et de sa capitale Manille. Difficile où nous Occidentaux, nous ne pensons à cette ville que dans une idée de tourisme mais il y a malheureusement le revers de la médaille et cet ouvrage avec ces témoignages nous livre une vérité tout autre, une vérité criante de réalité !
Quels que soient les portraits évoqués, on parle de pauvreté, d'insalubrité, de drogue, de prostitution, de commerces humains, de mort, de travaux infâmes dans les rues pour gagner quelques pièces, même pas suffisante à leur survie, les conditions de vie nous paraissent difficiles et immondes.
Les pages se suivent, les portraits aussi, on ne peut rester insensible à leurs situations. Personnellement, j'ai été chamboulé, bouleversé, ému, les descriptions sont telles que des images se gravent dans nos têtes, difficiles d'oublier la dure réalité d'un pays situé à des milliers de kilomètres du nôtre.
Le monde ne va pas bien, la vie n'est pas toute rose pour tout le monde et ce livre pour cette infime partie du monde en est le révélateur, histoire que l'on ouvre les yeux. On entend pourtant souvent parler des conditions de vie de pays sous-développés mais les lire sur papier glacé ça fait quelque chose.
Voilà pour le fond, pour la forme, rien à redire, les chapitres se lisent facilement (si on met de côté le côté émotionnel, car là, vous l'avez compris, on prend une claque). Les descriptifs sont tellement bien fait qu'on imagine aisément le reporter et son photographe au fil de leurs périples choisir Adam, Joséphine, Fernando, Angelina et tant d'autres, pourquoi eux et pas d'autres, ça, je ne vous en dit pas plus, c'est à vous de le découvrir.
Rien à ajouter de plus, si ce n'est que W. L. Tochman semble être un sacré reporter au vu des éloges d'autres critiques de livres et essais (Bosnie, Rwanda... ), un auteur à découvrir pour ma part, j'ai déjà été piqué de curiosité pour entrevoir son site internet et sa page facebook.